CINQUIÈME SCÈNE
Le rideau se lève. Il n’y a rien sur la scène. Nous allons assister au martyre du P. Pro et de ses compagnons. C’est M. le Curé qui va expliquer tout ce qui se passe.
M. LE CURÉ (debout à gauche du rideau)
La scène représente le jardin de la prison entouré de grilles. Au milieu une allée toute ensoleillée aboutit à un bosquet. Une foule arrive derrière la grille.
(Un groupe s’avance.)
M. LE CURÉ
Voici des policiers. Au milieu d’eux se trouve l’Inspecteur Général Roberto Cruz.
(Un autre groupe avance avec des appareils photographiques.)
M. LE CURÉ
Voici des photographes. Vous voyez que l’Inspecteur Général les fait installer lui-même. Il veut qu’on puisse garder le souvenir de cette exécution. Là-bas est la porte de la prison. Un policier la garde. Les prisonniers ne savent rien encore.
(La porte s’ouvre.)
Le P. Miguel Pro paraît, il achève de s’habiller. Il aperçoit la foule, les policiers. On ne lui a pas dit qu’il allait mourir. Il le devine, et se redresse.
LE POLICIER (à voix basse)
Pardonne-moi.
LE P. PRO (de même, souriant)
Si je te pardonne ? je te remercie.
LA FOULE
Le voilà !
UNE FEMME
Comment le sauver ?
UNE AUTRE
Oh ! Père Pro, vous qui avez mis tant d’âmes en Paradis ! La vôtre ira tout droit.
LE POLICIER
Silence !
L’INSPECTEUR CRUZ
Amenez le peloton d’exécution.
( Six soldats arrivent, marchent au pas vers le bosquet qui termine l’allée.)
M. LE CURÉ reprend la parole
Le Père avance lentement, en silence, il prie. On entend la voix de sa sœur Anne-Marie qui supplie les policiers de la laisser passer pour s’approcher de lui. On la repousse. Elle sanglote… Le Père Pro continue d’avancer dans le jardin ensoleillé. Derrière les grilles la foule s’écrase. Le Père frôle l’Inspecteur Cruz, le cigare aux lèvres et son état-major. Non loin les journalistes convoqués aussi par l’Inspecteur. Les photographes braquent leurs appareils.
LE P. PRO, (il marche droit, les mains jointes. sans un frémissement. Aux policiers qui l’entourent : )
Attendez un instant.
(Il s’agenouille, les bras croisés sur la poitrine, la tête humblement penchée, tire une petite croix et la baise, se redresse, fait face au peloton, ouvre les bras en croix.)
Vive le Christ-Roi !